Boris Vian

Boris Vian est né le 10 mars 1920 à Ville d’Avray. Homme aux multiples talents, il excella en littérature, poésie, chanson, musique mais aussi dans le cinéma, la peinture…

Élève ingénieur à l'École Centrale des Arts et Manufacture (Paris), il est à l'origine d'inventions contrastant parfois avec son œuvre littéraire, véritable manifeste pour son amour de l'absurde. Optant parfois pour l'usage de pseudonymes (Vernon Sullivan pour J'irai cracher sur vos tombes ou encore Bison Ravi, anagramme utilisé pour signer une ballade envoyée à la revue Jazz Hot), son nom entre dans l'histoire de la littérature après son décès en 1959. On redécouvre alors son roman le plus célèbre, L'Écume des jours (1947), classique enseigné à l'école. Sa vie fut rythmée par sa passion pour le jazz et les arts. Quelques uns de ses textes et de ses mélodies résonnent encore aujourd'hui : Le Déserteur, La Complainte du progrès, etc.

Les premières années

Boris Vian est le deuxième enfant de Paul Vian et d’Yvonne Ramenez. Paul Vian vit de ses rentes, sa famille a fait fortune grâce à la ferronnerie d’art, métier qui consiste à concevoir des grilles, des rampes ainsi que d’autres objets du quotidien offrant dans leur conception une dimension esthétique particulière. Henri Vian, ancêtre de Boris Vian, fabriqua notamment les grilles de la propriété d’Edmond Rostand à Cambo-les-Bains (Nouvelle Aquitaine). La famille réside à la propriété des Fauvettes à proximité du parc de Saint-Cloud. Boris Vian vit à la manière des aristocrates d’antan, suivant des cours avec une institutrice qui se rend tous les jours dans la demeure familiale. Vif d’esprit, à cinq ans, il sait lire et écrire ; à huit, il connaît déjà bon nombre d’auteurs classiques français. L’univers dans lequel Boris Vian évolue, pendant ces premières années, est alors chaleureux, doux et joyeux. Cet équilibre est remis en cause au moment du krach boursier de 1929 : Paul Vian est ruiné. La famille part s’installer dans la maison de gardien afin de louer la maison principale. 

Boris Vian contracte une angine infectieuse à l’âge de douze ans, qui sera mal soignée ; puis il souffre d’une crise de rhumatisme articulaire aigu. On lui diagnostique une insuffisance aortique, Boris Vian a le cœur malade. 

Malgré ses problèmes de santé, il excelle lors de son parcours scolaire au lycée Condorcet où il poursuit un cursus scientifique dans les classes préparatoires. Il réussit l’École Centrale Paris, un de ses amis s’étonne alors de ce choix : il voyait Boris Vian faire les beaux-arts ou étudier à la Sorbonne. A ce stade, Boris Vian effectue un choix de raison plus que d'inclination, dans l'objectif de d’assurer un avenir pécuniaire. 

Un auteur amoureux

Au moment de la guerre, Boris Vian est réformé à cause de son insuffisance cardiaque. Durant l’été 1940, Boris Vian fuit Paris et l’Occupation pour aller à Capbreton dans les Landes, c’est là qu’il rencontre Michelle Léglise, sa future femme, lors d’une surprise party. Ils partagent beaucoup de points communs, l’art en général ainsi qu’un tropisme pour les États-Unis. Michelle racontera, au sujet de leurs rencontres : « J’y vais, je ne suis pas particulièrement attirée par Boris : je crois que je ne le vois pas. Il est plutôt timide, il reste dans son coin. C’est avec Alain que je danse (le frère de Boris) ». Un mois plus tard, c’est Alain qui décroche un rendez-vous avec Michelle. « On s’est donné rendez-vous sous l’arc de Triomphe, le truc classique. J’y suis allée, c’est Boris qui était là ! Il m’a dit « Je remplace mon frère » ; et Michelle a répondu, « Bien volontiers ». En juillet 1941, Boris Vian et Michelle se marient. A la même époque, il commence à écrire Cents sonnets.

Boris Vian et Michelle Léglise se séparent en 1952 - la jeune femme aura, par la suite, une histoire d’amour avec Jean-Paul Sartre. Boris Vian se remarie avec Ursula Kübler en 1954, quatre ans après leur rencontre. Ursula est une danseuse et chanteuse suisse du ballet de Roland Petit de vingt-deux ans. 

Boris Vian et le Jazz

Il est dit que la première chanson écrite par Boris Vian date du 2 août 1944, elle s’intitule « Comme au bon vieux temps ». Au début des années 1950, ces chansons sont éditées et donc reconnues, Henri Salvador va même interpréter l’une d’elles, « La vie grise ». Georges Brassens dira de lui : « Boris Vian est un de ces aventuriers solitaires qui s’élancent à corps perdu à la découverte d’un nouveau monde, la chanson. Si les chansons de Boris Vian n’existaient pas, il nous manquerait quelque chose ».

On doit notamment à Boris Vian « Que reste-t-il de nos amours ? », « On n’est pas là pour se faire engueuler » mais aussi « Le Déserteur » ainsi que « La Java des bombes atomiques ». Reggiani chantera d’ailleurs le texte « Le Déserteur » en modifiant le dernière phrase pour des raisons de censure, la fin de la chanson étant qualifiée d’antipatriotique (voir le tableau manuscrit proposé par les éditions des Saints Pères, sur ce site). La phrase écrite par Boris Vian est la suivante : « Prévenez vos gendarmes que j’emporte des armes et que je sais tirer ». Reggiani chantera quant à lui : « Prévenez vos gendarmes que je n’aurai pas d’arme et qu’ils pourront tirer ». 

La Pataphysique et L'Écume des jours

Boris Vian est pressé, son cœur malade le pousse à vivre pleinement chaque instant qui passe. Il lui arrive d’annoncer qu’il n’atteindra pas les quarante ans. Le monde de Boris Vian s’écroule dans la nuit du 22 au 23 novembre 1944. Son père est assassiné par deux intrus, au domicile familial, et l’affaire ne sera jamais élucidée. 

Boris Vian et Michelle se sont mis à écrire des scénarios, espérant en vivre mais leurs textes ne trouvent pas preneur. Le jeune homme décide donc de travailler à l’AFNOR, dans la section administrative chargée de créer des normes pour tous les objets en verre. 

Boris Vian devient membre du collège de Pataphysique en 1953. Depuis sa création en 1948, cette société de recherches savantes et inutiles promeut la pataphysique et ses solutions imaginaires en prenant tout au sérieux, sauf le sérieux. Boris Vian n’est pas qu’un écrivain de l’absurde, il a l’art de tourner en légèreté les choses pesantes de la vie. Animé d’une joyeuse mais dévorante envie de vivre, il se met à écrire L’Écume des jours au dos des feuilles à en-tête de l’AFNOR.

Ce texte est celui qui confère une place de choix à Boris Vian dans l’histoire de la littérature. Il relate l’histoire de Colin et de Chloé. Colin est un jeune homme élégant, rentier, il rencontre Chloé lors d’une fête, ils tombent amoureux. Le roman est pétri d’innocence et de légèreté au début, comme un contrepoint à une évolution, au fil des pages, qui se fait de plus en plus dramatique – un nénuphar, fleur éminemment symbolique, va dévorer le poumon de Chloé. Il est aussi empli de références de l’époque : Chick, l’ami de Colin, achète par exemple les œuvres de Jean-Saul Patre, jusqu’à se ruiner. Jean-Saul Patre fait référence à Jean-Paul Sartre, dont Boris Vian tourne évidemment le nom avec ironie et malice. 

Ce roman est aussi merveilleusement représentatif de l’imaginaire débordant de Boris Vian, qui y invente des mot-valise inoubliables, tels que le « Pianocktail » : Colin joue un air sur ce piano afin de composer un cocktail et l’instrument possède la particularité de prendre en compte certaines mauvaises notes, « pas toutes heureusement ». Le lecteur découvrira aussi le « Biglemoi », danse grâce à laquelle Colin et Chloé tombent amoureux, fondée sur la production d’interférences par deux sources animées d’un mouvement oscillatoire rigoureusement synchrone. Mais aussi les « doublezons », monnaie inventée par Boris Vian… L’ensemble est une œuvre gracieuse, inventive, ténébreuse et lumineuse à la fois. 

L'écriture sous le pseudonyme de Vernon Sullivan

J’irai cracher sur vos tombes, roman écrit sous le pseudonyme de Vernon Sullivan, est un texte noir qui fit scandale au moment de sa publication. Le lecteur suit le narrateur, Lee Anderson, dans sa quête de vengeance : son frère a en effet été pendu pour avoir aimé une femme blanche. Cette fiction policière montre comment l’injustice et le racisme engendrent la violence, dans un contexte à suspense – ainsi, Lee Anderson n’est jamais décrit physiquement, laissant planer le mystère sur ses intentions. Ce texte est le fruit de la fascination éprouvée par Boris Vian pour les États-Unis : l’histoire se déroule à Buckton, petite ville du sud, et l’écrivain y met en lumière les inégalités dont sont victimes les Noirs outre-Atlantique. Ce roman est très éloigné des autres textes de Boris Vian, et la violence dépeinte dans un style cru et direct rend le public perplexe. Daniel Parker, qui dirige le Cartel d’action sociale et morale, va même porter plainte contre Vernon Sullivan, l’accusant d’inciter les adolescents à la débauche. Boris Vian finit par avouer qu’il est bien Sullivan, devant un juge d’instruction. Condamné à quinze jours de prison à la suite de ces procès, il est immédiatement amnistié. 

Sous le pseudonyme de Vernon Sullivan, Boris Vian publie trois autres romans : Les morts ont tous la même peau suivi de Et on tuera tous les affreux ainsi que Elles ne se rendent pas compte. Le succès est au rendez-vous, cette fois, tandis que L’Écume des jours, paru dans le même temps, ne s’écoule qu’à quelques centaines d’exemplaires.

Boris Vian : « Je voudrais pas crever »

Boris Vian le disait : « Chaque soufflée dans la trompinette et ça me fait un jour de moins ». Dès l’enfance, Boris Vian comprend que la mort fera partie de sa vie. Boris Vian pratique l’humour sans jamais rire, et cette forme d’aspect sinistre alimente son ironie. De grande taille, il est sans aucun doute le roi d’un royaume minuscule, à Saint-Germain-des-Prés. Royaume bordé de quelques cafés, d’une église. Boris disait du rire : « J’ai remarqué que ça ressemblait à une grimace ». Il était joyeux, il était triste, Boris Vian avait sans aucun doute un cœur qui battait trop fort, un cœur qui s’est éteint le 23 juin 1959. 

L’écrivain a trente-neuf ans lorsqu’il est invité à la première du film adapté de son roman J’irai cracher sur vos tombes au cinéma Marboeuf. Il décède le 23 juin 1959 à 10h10 durant la projection du film, d’une crise cardiaque. La légende dira que ce n’est pas son cœur mais bel et bien le film, qui l’a tué. 

Dans son poème « Je voudrais pas crever », Boris Vian note : « Je ne voudrais pas crever avant d’avoir connu les chiens noirs du Mexique qui dorment sans rêver / les singes à cul nu dévoreurs de tropiques / les araignées d’argent au nid truffé de bulle ».

Boris Vian aura écrit dans un souffle, il aura rêvé ses histoires, il aura vécu avec du cœur. 
























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